|Écrit de Louis Viratelle.
Graphisme de 16game et Guillaume Deschamps.
Édition Alexandre Pierrat. Publié le 28 février 2021.
|Écrit de Louis Viratelle.
Graphisme de 16game et Guillaume Deschamps.
Édition Alexandre Pierrat. Publié le 28 février 2021.
Le 9 janvier 2021, Donald Trump, alors 45ième Président des Etats-Unis, perd l’accès à ses principaux canaux de communication en ligne. Twitter, puis Facebook, Instagram, Snapchat et même YouTube ou Twitch, ont bannit ou fortement modéré de leur plateforme l’un des hommes les plus puissants au monde. Cet enchaînement d’évènements qui aura engendré une pluie d’articles médiatiques et de réactions opposées intensifiera la méfiance générale envers la modération des réseaux sociaux et du véritable rôle qu’ils jouent dans l’expression des utilisateurs.
Mais bien que ces modérations pourraient sembler avoir été actées assez aléatoirement du fait que Donald Trump diffuse depuis des années des propos dont la véracité n’est pas prouvable, la nuance de la violence est pilier dans la prise de décision des réseaux sociaux.
Le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis, comme celui de beaucoup de pays démocratiques, indique que les messages qui risquent de manière crédible d’entrainer des violences ne sont pas protégés. Ces messages ne sont donc plus protégés par la libre expression. De ce fait, leur modération n’enfreint pas une quelconque protection judiciaire ou légale et est même souhaitable lorsque la violence engendrée est véridique.
Or, l’invasion du Capitole à Washington, qui a interrompu la séance d’approbation de la victoire présidentielle de Joe Biden, montre une corrélation évidente entre les envahisseurs revendiquant la victoire de Donald Trump et ce dernier, qui a appelé ses partisans à dénoncer « le vol de l’élection » aux abords de ce bâtiment, de ce gardien de la démocratie américaine abritant le siège du Congrès et le pouvoir législatif de l’une des plus anciennes démocraties du monde moderne.
C’est en fait à la suite de cet évènement que Donald Trump perdra la quasi-totalité de ses identités et de sa puissance numérique.
Mais alors, quelles leçons devons-nous en tirer ? Quelles sont les limites de la liberté d’expression ; quel est le rôle de ces entités privées que sont les réseaux sociaux, mais qui pour autant jouent un rôle pilier dans nos vies sociales, démocratiques et politiques ? Pouvons-nous les considérer comme de simples entreprises hébergeant des contenus ? Quelle est la frontière entre l’hébergeur et l’éditeur de contenus ? Comment les états doivent-ils s’organiser face à ces nouveaux enjeux jusqu’alors jamais affrontés ni même anticipés ?
Doivent-t-ils concevoir un règlement de la libre expression sur ces réseaux ? Doivent-t-ils les punir s’ils contribuent à la violence, s’ils affaiblissent nos démocraties ? L’algorithme, l’intelligence artificielle sont-ils et seraient-ils des issues éthiques, justes et viables pour modérer ? Qu’en est-il des messageries chiffrées comme Telegram qui abritent des conversations groupées réunissant des milliers de personnes qui peuvent outrepasser une quelconque modération et exprimer ouvertement haine, violence ou bien encore complotisme du fait de la conception informatique de ces services ?
Ces questions doivent être au centre de nos préoccupations. L’avenir de nos libertés et de la puissance des politiques est en jeu. L’avenir de nos nations est remis en question.
Mais ces problématiques, qui ne peuvent trouver une idéale réponse, se formulent toutes au-delà d’une affirmation acquise mais oubliée : le numérique est l’un des vecteurs ayant le plus développé et défendu la liberté des expressions et la portée de ces dernières.
Revenons cinquante années en arrière. De la notion de réseau émerge des idées complètement divergentes des actuelles. Le numérique et la puissance de l’immatériel ne sont point développés dans les sociétés. Si la liberté d’expression pourrait déjà être considérée comme un acquis à cette époque, les vecteurs qui portent cette liberté étaient largement sous-développés et limités. La liberté de parler était acquise, mais la liberté de se faire entendre était anecdotique.
Mais en quelques années, la liberté d’expression est passée d’un modèle où son impact et son appréciation étaient limités à ceux attirant les convoitises des médias télévisés, des journaux, des éditeurs et des organisateurs évènementiels à un modèle où le plus grand des anonymes, où le plus grand des inconnus, peut avoir la plus grande des importances. Jamais son avis n’a autant compté. Jamais votre avis n’a autant compté. Jamais un outil aussi puissant que les réseaux n’a autant démocratisé, non pas la liberté de s’exprimer, mais la liberté d’être entendu.
C’est ainsi que la réelle valeur ajoutée des réseaux sociaux ne peut être débattue.
Mais pour autant, force est de constater que les institutions en place n’ont que peu évolué bien que nos libertés aient mutées en quelques décennies. Ainsi, il est temps que notre décennie affronte les défauts du monde actuel et de ses puissants outils de communication et d’expression. Il est temps de clarifier la valeur que doit apporter Internet dans ce monde qui n’a jamais semblé si peu maîtrisé et maitrisable. C’est à notre décennie de déterminer les limites de la portée de l’information et de la désinformation, de la modération et de l’appropriation de ce qui est rattaché à notre nom mais qui n’est point en notre propriété. C’est à notre décennie de définir ce que sont et ce que devraient être ces outils capitalistes tributaires de nos démocraties.
Ce PhiloTech n’apporte point de réponse. Ce PhiloTech porte la fonction de remise en question, du questionnement sur de réels enjeux non maîtrisés mais qui vont pour autant devenir piliers dans les années à venir. Ce PhiloTech ne cherche point d’idéales réponses aux questionnements exposés. Ce PhiloTech informe sur l’un des plus grands enjeux d’Internet, encore aujourd’hui méconnu et mal considéré.
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