L’usage des robots de Boston Dynamics au sein de l’armée française pourrait être envisageable

L’armée française a étudiée en condition réelle les bénéfices et contraintes de l’utilisation de Spot, un des robots développés par l’américain Boston Dynamics. Une décision qui en dit long sur l’utilisation potentielle de ces prouesses de mécatronique.

|Écrit de Louis Viratelle. Édition Alexandre Pierrat. 
Publié le 02 mai 2021. 

|Écrit de Louis Viratelle. Édition Alexandre Pierrat
Publié le 02 mai 2021. 

Depuis des années, l’entreprise Boston Dynamics s’est fait une renommée pour ses capacités à concevoir des robots d’envergure relativement importante qui témoignent d’une agilité de mouvement impressionnante.
Pour arriver à de telles prouesses, Boston Dynamics réalise un travail important sur la mécatronique. L’idée pour concrétiser un robot aussi adroit que Spot est d’établir des liens profonds entre l’électronique, mais surtout l’informatique et la mécanique. L’informatique à bord de ces appareils doit être optimisée de fond en comble pour « fusionner » avec le corps matériel robotique.

Ainsi l’entreprise développe plusieurs gammes de robots, de toute forme et corpulence, plus ou moins adaptés à certaines tâches.
L’un d’entre eux, Spot, se différentie notamment grâce à sa configuration à « quatre pattes » très agile et équilibrée pour évoluer sur des terrains complexes, irréguliers, des fois avec du relief ou divers obstacles.

L’informatique développée par Boston Dynamics permet au robot de cartographier et d’étudier son environnement pour correctement agencer ses pattes afin d’évoluer sur un terrain inconnu.
En cas de « faux pas », il semble muni de réflexes très spontanés et vivants pour se hisser de sa situation et trouver une issue viable très rapidement. Sa conception est telle qu’il est même capable de se relever s’il tombait sur le dos.

Ces avancés exceptionnelles mais parfois intimidantes ont permises de rendre crédibles de telles inventions dans des cas d’usages concrets.
Ainsi Spot est utilisée par des entreprises pour ses « talents » à se déplacer dans des infrastructures plus adaptées à la mobilité humaine que mécanique (comprenez à l’aide de chenilles ou de roues). Spot est même capable de monter des escaliers en un temps record.
L’idée est ici d’embarquer sur le robot Spot divers capteurs (il peut s’agir d’une simple caméra embarquée ou bien de capteurs mesurant des paramètres environnementaux et atmosphériques).

Vidéo promotionnelle de Spot – Boston Dynamics.

L’usage d’un capteur de méthane permettrait par exemple de détecter la présence de fuites de gaz, sans pour autant qu’un humain de s’y aventure et s’expose à des risques.
Spot a aussi fait ses preuves pour vérifier l’état d’infrastructures assez grandes et des fois reculées, qui nécessitaient auparavant des patrouilles humaines récurrentes. Cela est valable par exemple pour les installations pétrolières, très avares de ces contrôles de routine parfois fastidieux.

L’approche de Boston Dynamics avec son robot Spot est assez intuitive. C’est là une de ses caractéristiques qui le distingue du robot très expérimental en laboratoire qui repose sur un environnement de fonctionnement particulier et difficile à mettre en place.
Pour 74 500$, Spot est livré dans une caisse le protégeant, avec une télécommande Android qui reprend l’ergonomie d’une manette de jeu.
En quelques dizaines de minutes, son usage devient familier, faire déplacer le robot est pratiquement aussi intuitif qu’avec une voiture télécommandée. L’ensemble est livré avec un système pour programmer Spot en Python pour des usages particuliers. C’est notamment via cette possibilité de programmation que les entreprises peuvent adapter le robot aux utilisations qu’ils souhaitent en faire.

Mais plus récemment, Spot semble intéresser un domaine d’activité qui pourrait soulever de nombreuses questions. Spot a été utilisé par l’armée américaine, puis plus récemment, par l’armée française afin d’étudier ses capacités d’usage sur le terrain, dans des conditions d’intervention. L’école militaire française de Saint-Cyr Coëtquidan aurait pu se munir du robot de Boston Dynamics par l’intermédiaire du distributeur européen Shark Robotics.

Mais aussi étonnant que cela puisse paraitre, Boston Dynamics ne semblait pas être conscient que son produit a été utilisé pour de tels pratiques militaires, bien que l’entreprise savait que Spot était utilisé par le gouvernement français, selon les propos de Michael Perry, vice-président du développement commercial chez Boston Dynamics, rapportés au média The Verge.

Spot en condition réelle d’utilisation par l’armée française.

Le 30 et 31 mars 2021, Spot aux côtés d’autres robots mis en place grâce à l’industriel Nexter ont donc accompagné les apprentis de l’Armée de Terre pour exécuter plusieurs scénarios afin d’en juger la plus-value que pourrait apporter la robotisation. Trois entrainements ont été réalisés : une action offensive avec la prise d’un carrefour, une action défensive de jour puis de nuit, et une action de combat urbain.

Equipé d’une caméra embarquée robuste « GoPro », Spot a évolué dans un terrain inconnu pour faire de la reconnaissance. L’idée est de limiter la présence humaine dans des environnements critiques afin d’en évaluer à distance la dangerosité via un retour caméra en direct.

Ce sont donc des missions qui sont avant tout préventives et les robots n’ont pas eu un rôle actif au sein de l’intervention. L’usage de Spot pourrait aussi être pensé pour faire du ravitaillement.
Ce sont 80 élèves qui ont pu expérimenter la présence de ces robots au sein des entrainements.
De ces essais grandeurs natures en découle une conclusion mitigée. D’un point de vue sécuritaire, la présence de robots pourrait sauver des vies humaines.
Pour autant et malgré les grandes avancées de Boston Dynamics, son appareil est confronté à des limites d’autonomie d’une heure trente d’usage, ce qui a par exemple perturbé l’une des missions qu’il devait réaliser lors des entrainements militaires. Le déploiement du robot reste aussi assez lourd lors de scénarios très spontanés, ce qui ralenti l’intervention.

Mais Boston Dynamics qui arrive à convaincre certains marchés industriels semble vouloir établir une certaine distance avec l’usage militaire de ses appareils.
Interrogé sur les usages de ses robots, l’entreprise semble consciente des problématiques éthiques que représentent ses avancées.
Elle souhaite être rassurante en affirmant que ses robots ne seront jamais armés.

Michael Perry explique que les évolutions permises par Boston Dynamics ne doivent pas nuire aux gens. Les conditions d’utilisation de Spot lui interdise son usage pour blesser ou intimider une personne ou un animal. Spot ne peut être utilisé pour activer une arme ou en faire usage, même de manière dissuasive.
Michael Perry ajoutera que l’usage militaire de la robotique, s’il permet de mettre des gens hors de danger est une utilisation valable de la technologie.
Mais malgré cela, les nuances et limites de ces contraintes d’usages sont difficiles à établir. Ainsi le développement de telles technologies tout en veillant au fait qu’elles soient parfaitement inoffensives pour l’être humain semble particulièrement délicat, n’en déplaise aux Lois d’Isacc Asimov :

• Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger ;

• Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la première loi ;

• Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi.

Partager l'ArTech

Partager l'ArTech