L’hymne aux objets remarquables : Google Home, ou l’histoire de l’enfant prodigieux qui traça son chemin en étant mal aimé

D'abord l'effet de surprise ou plutôt d'amusement avec une innovation aux abords futuristes, puis l'effet de lassitude et enfin, une considération très péjorative. Voici le dur sort enduré par les assistants connectés comme Google Home. Pourtant, c'est un produit qui ne cesse de me fasciner et de m'étonner depuis plusieurs mois. Retour d'opinion après quatre années à côtoyer Google Home.

|Écrit de Louis Viratelle
Publié le 12 juillet 2021. 

|Écrit de Louis Viratelle. 
Publié le 12 juillet 2021. 

Rappelez-vous de vos interactions avec la technologie il y a 8 – 9 ans. La dictée vocale commençait à prendre son envol, grandement propulsée par Google et Apple.
Souvent critiquée pour ses approximations dans la compréhension du langage, les mois se sont écoulés pour qu’au final, la fiabilité de cette fonctionnalité ne soit aujourd’hui plus à prouver.

Malgré des débuts mitigés, la frustration de la dictée vocale s’est estompée en quelques années pour faire aujourd’hui partie de nos vies.
Les performances de la transcription écrite sont telles que je me sers de cette fonction lorsque je n’arrive pas à orthographier un mot. C’est bien la preuve ultime de sa performance.
Plus impressionnant encore, la dictée vocale sait reconnaitre beaucoup de noms propres qui sont parfois difficiles à épeler même pour nous. Aujourd’hui, la dictée vocale sait même alterner entre plusieurs langues pour prendre en compte les anglissimes.

J’ai l’impression de retrouver ce schéma avec la reconnaissance vocale. Son aspect futuriste a d’abord fait son petit effet, avant que le grand public découvre ses grandes faiblesses et limites, se frustre avec son usage et attribue à cette technologie la pancarte d’échec.
Les propos des testeurs plus ou moins professionnels ont d’autant plus amplifié cette tendance. Les assistants vocaux ont très souvent eu la réputation de compagnons artificiels très limité dont l’usage est rapidement réduit à la tâche d’allumage et d’extinction des lumières connectées.
Pour autant la technologie continue encore de se frayer un chemin dans notre société d’une manière assez profonde.

Au fur et à mesure que les années s’écoulent, leurs capacités se décuplent, les frustrations d’usage se dissipent, et la technologie devient bien plus indispensable et ancrée qu’on aurait pu le penser après s’être façonné un opinion hâtif.
C’est l’analyse plus ou moins juste que je tends à faire avec mon Google Home Mini premier du nom, modérément amélioré et renommé aujourd’hui en « Nest Mini » (une petite aberration commerciale tant l’appellation Google Home est dans tous les esprits…)

Je suis possesseur de cette enceinte connectée depuis son lancement en France, en 2017.
Comme pour beaucoup, son prix de 59 euros souvent soldé et enrobé d’un marketing séduisant m’a flatté.
Pour ce tarif, vous avez un bel objet qui sait vous étonner quand vous n’avez jamais côtoyer d’assistant vocal.
La première impression est souvent bonne. La conception du Google Home est très sérieuse, son revêtement en tissu qui abrite le jeu de lumières colorées chère à Google Assistant et les boutons capacitifs du volume donne un aspect minimaliste mais chaleureux.

L’élégant petit galet sait se fondre dans le décor de tout type de maison et évite à tout prix de ressembler à un objet « tech ».
Le parti prix de la couleur orange pétante du socle et du bouton physique de désactivation des microphones semble osé mais donne un contraste très juste avec la douceur des teintes pales des tissus et plastiques.
Pour ce prix, vous acquérez un appareil à la conception très réfléchie, qui reflète la subtilité de la marque qui pense ses produits jusqu’à la texture très douce du câble d’alimentation.

Si certains assistants connectés semblent avant tout être des enceintes pour diffuser de la musique, ce n’est absolument pas le cas avec le Google Home Mini.
Ses performances musicales sont modestes mais honnêtes pour le prix et l’encombrement. Le spectre sonore est recentré sur les médiums et arbore quasi aucune extension dans les basses ou hautes fréquences.
La précision de la restitution est donc mauvaise et incomplète dans les hautes et basses fréquences mais s’avère correcte dans les médiums, notamment avec les voix.

A volume modéré vous obtenez un rendu sonore convenable pour une sonorisation effacée qui n’a ni la prétention de rendre hommage à la musique écoutée, ni d’être une écoute active.
Le Google Home Mini peut être une solution musicale secondaire convenable pour une chambre ou une petite pièce, mais il ne triomphera certainement pas en qualité de maitre de la musique à votre domicile.

Pour autant, il pourra très bien être le garde privé des clés du royaume du son. Google Home est capable de lancer de la musique sur d’autres enceintes wifi et peut même s’associer à une autre enceinte Bluetooth pour lui streamer votre musique. Notons que le Google Home lui-même peut être une enceinte connectée Bluetooth outre sa fonctionnalité Chromecast intégrée.

L’ouverture d’esprit de Google concernant les services de musique fait d’ailleurs contraste avec les très sectaires HomePod d’Apple. Que vous soyez client YouTube Music, Spotify, Deezer ou même Apple Music, vous seurez loger à la même enseigne et bénéficierais nullement de restrictions ou de traitements de faveur.

La structure physique du Google Home est donc conçue pour faire valoir la voix, bien assez d’ailleurs pour faire raisonner celle de Google Assistant qui est assis aux premières loges pour animer et rendre pertinent l’appareil.
Mais assez paradoxalement, cet assistant est aussi partiellement responsable du goût amer qui reste en surface lorsqu’on parle de ces enceintes dites « intelligentes », avec Siri et Alexa.

Si cette « intelligence » n’était certainement pas innée il y a 4 ans (vous savez, l’époque où tout le monde s’est fait son opinion sur ces enceintes), je peux vous assurer qu’en ce lapse de temps, l’évolution est véritablement remarquable, du moins chez Google.

Google Assistant est à l’image de Google Search. Les efforts de Google avec les algorithmes de Google Search ne se cantonnent plus à la pertinence et qualité du référencement, mais aussi à la sélection contextuelle des éléments des articles qui répondent à ce que vous recherchez.

Vous avez surement noté ces derniers temps que beaucoup de vos recherches sont accompagnées d’un encadré vous proposant quelques phrases tirées d’un site Internet. Dans bien des cas, vous n’avez même plus l’audace d’ouvrir un site, votre élément de réponse est déjà sélectionné par Google.
Google Home repose largement sur cette impressionnante puissance de compréhension contextuelle de ces encadrées pour vous répondre en deux ou trois phrases.

Contrairement à Alexa ou Siri qui ne s’aventurent pas plus loin que quelques sources comme Wikipedia (dont le contenu est structuré de manière assez méthodique), Google est arrivé à concevoir des algorithmes beaucoup plus libres pour se sourcer grâce à un travail très impressionnant sur l’analyse de la question, son contexte et la mise en parallèle avec le véritable sens des phrases écrites sur les pages web.

En 2021, je pense que beaucoup seraient étonné en ré-allumant leur Google Home et en lui adressant des questions allant bien au-delà de l’interaction basique avec leur domotique et la suite de Google, quand ils recherchent véritablement une information (une question ponctuelle et non pas formulée pour tester l’enceinte..).

Si Google Home m’a beaucoup amusé à sa sortie, il s’est fait vite oublier en n’étant ni le roi de l’intelligence, ni un grand prodige de la musique.
Mais depuis plus d’un an maintenant, je m’étonne à l’utiliser peut-être une fois par jour pour lui poser des questions très précises. C’est même devenu un compagnon redoutablement efficace dans mes études, pour définir un terme scientifique technique ou pour contextualiser davantage une notion abordée sans être tenté de faire un tour sur un réseau social…

Ce qui a le moins bien évolué reste à mon sens la voix de Google Assistant. Sans paraitre très artificielle ou robotique, son intonation est à mon sens trop soutenu et son timbre manque de chaleur. L’intelligibilité est très bonne mais lorsque l’assistant enchaine les phrases, sa voix devient rapidement trop perçante pour être agréable et naturelle. L’enceinte gagnerait à avoir des tonalités vocales plus amples et variables même avec une langue comme le français réputée pour sa monotonie.

Google rendrait également son assistant beaucoup plus confortable s’il savait modifier la structure de ses phrases. On aimerait avoir la source d’une définition après celle-ci plutôt qu’avant (ce qui nous oblige à maintenir plus longtemps notre attention), ou encore qu’il soit parfois un peu moins bavard quitte à laisser place à plus d’interactions.

L’expérience avec l’interface vocale n’est pas mauvaise ou très désagréable, mais Google creuse les écarts avec Siri ou Alexa qui ont adoptés une voix beaucoup plus posée et personnelle. Les enceintes Amazon savent même comprendre les sollicitations quand elles sont chuchotées et y répondre de la même manière, c’est un réel bénéfice lorsqu’on souhaite de la discrétion ! 

Malgré ces reproches, Google performe vraiment par la pertinence des réponses de son assistant. Google est arrivé à supprimer la frustration qui demeurait avec la phrase « excusez-moi, je n’ai pas compris ». Ces quelques mots devenus presque désagréables à entendre semblent aujourd’hui quasi banni du vocabulaire de Google Home, qui s’efforce à me répondre quitte à me faire savoir qu’il n’est pas certain de ses propos.
Google Home est véritablement devenu ce qu’était sa promesse initiale : un assistant.

C’est un objet incroyable car il supprime tout l’inconfort et l’addiction des écrans (saturation et flux continus de contenus), qui est totalement passif la plupart du temps mais qui répond avec une pertinence que je juge impressionnante en quelques secondes, avant de s’effacer de nouveau.
Sa durée de vie est pour le moment presque illimitée car sa marge d’évolution est très largement logicielle (à part pour la restitution sonore). La magie de cet appareil est d’ailleurs sa capacité d’évolution, à s’améliorer constamment et à devenir meilleur d’années en années, sans aucune modification physique.

A votre domicile, c’est un objet aussi disponible et accessible que votre smartphone, mais qui ne bénéficie nullement des dangers de ce dernier : Google Home se cantonne à vous assister avec une précision assez souvent absolue, quand on peut sembler parfois être les assistés de nos smartphones, happé par l’addiction des réseaux sociaux, possédé par les tactiques psychologiques huilées des géants du web.
Que vous lui demandiez l’altitude de l’orbite stationnaire sur Mars ou ce qu’es-que l’assistance aux personnes âgées du conseil départemental, Google Home comprendra que vous cherchez en réalité l’altitude de l’orbite aréostationnaire ou encore des informations sur le dispositif Téléassistance 31, même si vous n’avez jamais prononcé le vocabulaire exact correspondant au sens de vos phrases.

Le réel point noir des Google Home en 2021 n’est à mon sens plus les réponses hébétées de l’assistant, loin delà vu que la frustration qui pouvait être engendrée s’est pour ma part quasi dissipée. Le réel point noir demeure l’utilisation de nos données personnelles. Etant largement sorti de l’écosystème Google, l’assistant n’a par exemple pas accès à mon calendrier, ni à mes contacts ou notes.
J’ai réduit l’historique associé à mon profil Google à ma consommation de vidéo YouTube (qui améliore beaucoup l’expérience sur la plateforme). Je n’autorise pas le stockage ni de l’enregistrement de ma voix, ni des transcriptions, ni de ma localisation, ni de mon activité au sein des produits Google.

Plus radical encore (mais vous avez beaucoup à gagner en faisant de même), je suis quasi détaché de Gmail, Docs, Photos, Maps et totalement d’Android, des messageries Google, de Contacts, Keep, Task, Drive ou encore Chrome.
Pour autant, rien ne me prouve que Google se tient véritablement à ce qu’il m’affiche, vu que Google Assistant ne repose pas sur des profils anonymes générés aléatoirement (l’enceinte peut être reliée à mon profil publicitaire Google sans mal) et ne revendique pas de chiffrement de bout en bout des interactions.

Mais c’est là que surgit un grand paradoxe. Si en l’état Google Home est pertinent même avec une utilisation qui peut être apparemment modeste de nos données, les algorithmes reposent eux sur l’apprentissage par « Deep et Machine Learning », des principes d’intelligence artificielle.
Ces IA sont arrivées à se bâtir une pertinence de la compréhension de l’information en analysant une quantité astronomique de « data » plus ou moins confidentielle.

Si la face plutôt cachée de Google concerne la puissance de ses algorithmes de ciblage publicitaire en élaborant des profils utilisateurs extrêmement précis et détaillés, Google ne semble plus uniquement utiliser ses modèles d’analyse et d’apprentissage pour créer des profils publicitaires, mais aussi pour classer l’information, comprendre son contexte et établir des liens cohérents entre l’immensité des flux informationnels disponibles sur Internet et les quelques mots des requêtes utilisateur.

Autrement dit, certes, si Google Home est aujourd’hui aussi pertinent c’est grâce au moteur de recherche Google qui est leader dans son domaine et qui référence une très grande majorité des contenus publics sur Internet, mais également grâce au travail que réalise Google depuis des années pour établir des profils publicitaires d’une précision absolue et d’un niveau intrusif encore difficilement mesuré grâce aux données privées.

C’est là les limites éthiques de ces assistants. S’il est très peu probable que Google utilise les microphones sans le mot magique « Ok Google » pour essayer d’analyser nos conversations, l’assistant décortique subtilement chacun de nos dires lorsqu’on fait usage de l’enceinte pour performer ses profils publicitaires.

Comprenez que l’entreprise n’a rien à gagner à espionner constamment les foyers à part un scandale immense qui pourrait affaiblir grandement l’entreprise vu le niveau de gravité qu’il représenterait. D’un point de vue technique il est d’ailleurs quasi impossible de stocker constamment le son de millions de micros, qui utiliseraient une bande passante bien trop importante pour ne pas être remarquée.

Pour autant, c’est le modèle économique même de Google qui lui a permis d’établir des algorithmes aussi puissants que ceux embarqués sur son assistant, qui sans qu’on le réalise, s’améliorent d’années en années et décuplent toujours plus l’extension de savoirs et de connaissances dont nous bénéficions à portée de nos mains comme à portée de notre voix.

Partager l'ArTech

Partager l'ArTech