L’État français oblige les constructeurs automobiles à communiquer des informations d’émission carbone mensongères sur les voitures électriques

Nous vivons de plein fouet le début de catastrophes environnementales, conséquences du réchauffement climatique. Mais dans le même temps, l’État continue à désinformer très grossièrement le consommateur quant à l’empreinte carbone des voitures électriques.

|Écrit de Louis Viratelle. Photographie Tom Hegen
Remerciements à Mathis Archambaud pour sa contribution. 
Publié le 16 août 2022. 

|Écrit de Louis Viratelle. Photographie Tom Hegen. 
Remerciements à Mathis Archambaud pour sa contribution. 
Publié le 16 août 2022. 

Depuis le premier mars 2022, l’État français a rendu obligatoire l’affichage de certaines informations liées aux émissions CO2 sur toutes les communications commerciales réalisées par les constructeurs automobiles. Encré dans une démarche de prise de conscience sur les enjeux écologiques, un jeu de trois messages « faisant la promotion des mobilités actives ou partagées ou des transports en commun » est devenu obligatoire. S’ajoute à cela l’affichage systématique de « l’étiquette relative aux émissions de CO2 d’un véhicule à moteur ».

Mais en s’intéressant de plus près à cette étiquette, les normes qui encadrent les informations mesurées contribuent grossièrement à désinformer sur l’impact environnemental réel des voitures électriques. L’étiquette énergie mentionne pour ce type de véhicules une émission de 0 gramme de CO2 par kilomètre parcouru. C’est une information factuellement fausse, que l’état lui-même oblige les constructeurs à afficher.

L’ensemble des normes qui encadrent cette étiquette sont responsables de cette approximation honteuse, intolérable alors que l’heure presse. Au vu de la forme qu’elle prend et des éléments pris en compte, cette étiquette a été conçue pour informer sur les émissions des voitures thermiques. Plus précisément il s’agit d’informer sur les émissions des moteurs thermiques, même si rappelons-le, l’étiquette ne le précise absolument pas.

L’affichage de cette étiquette est crédible pour ces véhicules dans la mesure où les moteurs thermiques sont les composants qui émettent le plus de pollution sur l’ensemble du cycle de vie de ces véhicules. Mais ce raisonnement est incompatible pour les voitures électriques, où le moteur n’est plus le composant responsable de la majorité des émissions carbone sur l’ensemble du cycle de vie du véhicule.

Évoquer une émission CO2 nulle concernant les voitures électriques est une indication grossière, factuellement fausse, qui défavorise massivement l’inclusion collective d’un raisonnement écologique.

À partir du moment où le contexte n’est pas donné, et que le support employé ne se prête de toute manière pas à davantage de précision, l’interprétation naturelle de l’étiquette rend l’information indiquée fausse. Une démarche écologique vise à prendre conscience de nos émissions globales. Et faire le bilan d’une émission globale nécessite de prendre en compte l’entièreté des pollutions de la chaîne de transformation et de consommation.

Ce raisonnement est acquis de longue date pour certains produits. L’impact environnemental de la consommation de viande en fait par exemple partie. Pour parler de cet impact, il est acquis de considérer l’ensemble de la chaîne de pollution. Car ce n’est évidemment pas la viande une fois assaisonnée dans votre assiette qui pollue en elle-même. C’est bien sa transformation qui émet beaucoup de CO2, à savoir l’élevage de l’animal qui précède sa consommation. Naturellement les étapes de transformation doivent être considérées, étant donné que ces émissions carbones sont générées uniquement dans l’objectif d’obtenir le produit final.

Le cas de la voiture électrique est exactement le même. Si on isole l’utilisation de l’objet en lui-même, c’est un raisonnement dénué de sens. Il se focalise sur un facteur qui ne pollue sur aucune voiture électrique, alors que tant d’autres émettent une quantité de CO2 importante (la production de la batterie et du moteur, l’électronique embarquée toujours plus abondante, etc…).

Pour considérer l’ensemble des postes d’émission carbone, il est nécessaire de considérer les émissions pour produire l’électricité, pour la conduire et la stocker, pour produire l’ensemble des pièces du véhicule, puis pour les assembler. S’ajoute bien entendu à cela les émissions lors de l’usage du véhicule mais également pour le recycler et le détruire quand il arrive en fin de vie.

Comme dit précédemment, on applique naturellement exactement la même logique pour l’impact carbone de la viande où intuitivement, c’est un non sens total de considérer les émissions produites lorsque vous la consommez.

Pénurie d’eau, dégradation des sols et de la biodiversité : au delà des émissions CO2, la batterie Lithium épuise massivement des ressources terrestres toujours plus rares.


Cacher artificiellement les impacts environnementaux réels pour mieux déculpabiliser

Malgré le dévouement de plusieurs des plus riches milliardaires de ce monde qui consacrent cœur et âme à rendre la civilisation humaine « multi planétaire », nous sommes collectivement résigné à ce jour à se partager le même plancher des vaches, pour le meilleur et le pire.
Nous vivons tous sur la même planète et la question climatique ne s’arrête pas aux frontières.

L’idée est la même concernant les émissions CO2 d’une voiture, qui ne peuvent être réduites à celles lors de son utilisation. À partir de là, isoler l’analyse des émissions d’un produit à l’unique moment de son usage est aussi aberrant que de pointer du doigt les pays qui polluent plus que le nôtre alors que nous les payons littéralement pour le faire et que nous consommons ce qu’ils produisent.

Si l’État souhaitait réellement qu’une étiquette d’empreinte carbone puisse favoriser un comportement de conception et de consommation des voitures électriques vertueux pour l’environnement, il devrait cibler l’étiquette sur les composants qui ont la plus grosse marge de manœuvre pour réduire leur émission CO2. Les batteries et moteurs des voitures électriques occupent les premières places.

Une étiquette évaluant le rendement énergétique des batteries en elles-mêmes ferait sens. Idem pour les rendements des moteurs électriques qui sont assez souvent très mauvais sur autoroute. Idem pour les émissions carbones pour produire ces moteurs et batteries. Il serait peut-être même nécessaire de réfléchir à des étiquettes pour les émissions carbones des composants électroniques, les voitures récentes ayant la puissance de calcul de gros ordinateurs de dernière génération.  

Tous les composants dont les émissions carbones sont indépendants de l’usage du véhicule pourraient être classés dans une première catégorie.
Une seconde pourrait être dédiée à ceux influents lors de l’usage du véhicule. Leur évaluation dépendrait alors de beaucoup de facteurs. C’est toute la particularité du cycle WLTP qui existe déjà pour évaluer l’autonomie des véhicules électriques et dont l’évaluation repose sur les facteurs bien spécifiques à l’électrique : le type de conduite, le type de route, la température extérieure, l’utilisation de la clim, etc…

Ces étiquettes, en plus d’entrainer le consommateur vers un réel raisonnement de conscience écologique pour faire son choix, mettraient encore davantage en concurrence les différents constructeurs. Les plus gros points faibles de leurs véhicules seraient mis en lumière.

La transition écologique presse plus que jamais et ses conséquences sont déjà catastrophiques sur notre environnement, sur les écosystèmes naturels et sur l’être humain. Mais en 2022, l’état diffuse massivement des informations qui défavorisent à intégrer un raisonnement écologique correct au consommateur. Au lieu d’encourager le développement de voitures électriques plus propres encore, l’État impose l’affichage d’une étiquette mensongère, qui pousse à l’achat de voitures électriques par de la pure désinformation funeste et contraire à une réelle prise de conscience écologique collective.

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