Viser la lune : voici l’objectif de la mission Artemis-I dont le lanceur SLS devrait bientôt décoller

Ou plutôt, viser l’orbite lunaire. Dossier : la fusée la plus puissante jamais construite et la capsule Orion ont pour premier objectif de tester leurs équipements embarqués en condition réelle. Cette mission inaugure le programme Artemis qui ambitionne le retour de l’Homme sur la Lune.

|Écrit de Louis Viratelle
Remerciements à Bogdan Geambasu et Mathis Archambaud pour leur contribution.  
Photographies NASA (Ben Smegelsky), SpaceX / Illustrations NASA (Alberto Bertolin) / Tableaux Wikipedia.  
Publié le 28 août 2022. Mis à jour le 29 août 2022.  

|Écrit de Louis Viratelle. 
Remerciements à Bogdan Geambasu et à Mathis Archambaud pour leur contribution. 
Photographies NASA (Ben Smegelsky), SpaceX / Illustrations NASA (Alberto Bertolin) / Tableaux Wikipedia. 
Publié le 28 août 2022. Mis à jour le 29 août 2022. 

Artemis est enfin là ! La NASA a finalisé les essais au sol et préparatifs de sa fusée Space Launch System (SLS) et de la capsule Orion. Initialement, le développement de SLS devait aboutir en 2017. Après de nombreux retards, le lanceur le plus puissant au monde est installé sur son pas de tir, au Launch Complex 39–Pad B. Sa carrure massive n’est pas sans rappeler la silhouette du lanceur Saturn V, succès des missions lunaires Apollo des années 1970. Le choix de la localisation du lancement est une référence supplémentaire à ces années de gloire de l’agence spatiale américaine.

La NASA, Boeing et les autres constructeurs de la fusée et de la capsule habitable jouent très gros : c’est l’inauguration de deux des instruments fondamentaux pour revenir sur la Lune. La fenêtre de tir initiale était prévue au 29 août à 14h33. Mais un incident technique lors du remplissage du SLS a finalement fait reporté le lancement. La fenêtre aujourd’hui envisagée est le 3 septembre prochain, à 20h17.

Si les conditions ne sont pas réunies, les 2 et 5 septembre seront d’autres dates possibles pour le décollage depuis la Floride.

L’objectif de cette « répétition générale » est avant tout technique. Durant les 39 à 42 jours de mission, ce sont notamment les différents propulseurs, la mécanique et l’électronique embarquée, les conditions à bord du module Orion (qui accueillera à l’avenir les astronautes), les systèmes de communication qui seront vérifiés et testés.

C’est donc une répétition en conditions réelles pour le lancement du SLS et pour la capsule Orion. Cette dernière progressera vers la lune avant de se positionner sur l’une de ses orbites puis de faire son vol retour et son amerrissage, de nouveau sur Terre. Les équipes récolteront de précieuses données techniques sur l’instrumentation à bord des systèmes.

L’objectif est d’assurer que le prochain SLS qui s’arrachera du sol puisse opérer avec la plus grande fiabilité possible, idem pour Orion. La mission Artemis II aura en effet la lourde tâche d’effectuer le même scénario en 2024 avec trois astronautes à bord.


Artemis, un programme colossal sur le plan technologique et financier pour un projet international mêlant la contribution d’agences fédérales et d’entreprises privées

Bien que la NASA reste le chef d’orchestre suprême du programme Artemis, son mode opératoire est très collaborateur. C’est là une grande différence avec les missions lunaires de l’époque, qui opposaient quasi uniquement l’agence spatiale soviétique à celle américaine.

Les acteurs du NewSpace et notamment SpaceX devraient jouer un rôle fondamental. Les contributions internationales ne manqueront pas non plus. Le Canada est en ligne de mire et beaucoup de pays européens (l’Italie, et d’autres états regroupés sous l’ESA, donc notamment l’Allemagne, la France ou encore le Royaume-Uni) et certains d’Asie (Japon, Corée du Sud) apporteront leurs pierres à l’édifice. 

Notons que la contribution plus marginale de l’ESA (elle travaillera surtout sur le module de service de la capsule Orion) s’explique notamment par la répartition budgétaire que l’agence alloue aux projets habités. Cette part n’excède pas les 10%, contrairement par exemple à la NASA qui totalise bien plus de ressources financières pour ce type de mission.

Le module de service de la capsule Orion n’en reste pas moins un élément central du programme. C’est lui qui embarque toute la motorisation, les ergols, les consommables et la tour de sauvetage (qui permet d’expulser ultra rapidement l’équipage du lanceur en cas de situation critique et dangereuse) nécessaires pour le trajet entre la Terre et la Lune.

Ce module de service assurera par conséquent la vie de l’équipage ainsi que la trajectoire de la capsule. Il se désolidarisera de la capsule avant qu’Orion entame son entrée atmosphérique lors de son retour sur Terre.

L’objectif de cette organisation est avant tout de rendre le programme soutenable sur le plan financier. Pour ce faire, le gouvernement américain apporte une très forte participation financière. Elle exige en contrepartie une mission aux résultats concrets sur le très court terme (à l’échelle de l’industrie spatiale).

C’est pour se faire que la NASA délègue très largement le programme. Elle met en parallèle les développements des divers modules et compte sur la collaboration d’entreprises (plus ou moins) privées.

Ces nouvelles compagnies du secteur de l’espace apportent en effet un « vent de fraîcheur » à l’industrie. SpaceX notamment s’est développée avec une approche bien plus dynamique.
L’entreprise conçoit de cette manière en multipliant les essais concrets parallèlement aux développements. Elle privilégie cette approche à celle qui consiste à l’élaboration de modèles théoriques « parfaits » avant de passer aux tests pratiques.

Ces développements ont également à l’esprit l’obtention d’un rendement économique, qui nécessite un esprit de production plus « à la chaîne ».

SpaceX a également pour spécificités d’avoir supprimé au maximum les entreprises intermédiaires auxquelles elle pourrait déléguer la conception et production de certaines pièces et systèmes embarqués.

Au lieu de cela, l’immense majorité des pièces sont conçues et produites en interne afin d’abaisser leurs coûts au maximum. Moins il y a d’intermédiaires, plus les coûts baissent. C’est aussi la gestion de projets qui se simplifie pour devenir plus légère et dynamique.

Enfin ces entreprises privées profitent particulièrement du développement de certaines technologies issues d’autres industries, notamment de l’électronique et de l’informatique.
Là aussi elles arrivent à profiter pleinement de l’ère technologique et de la dynamique qui l’environne pour se développer.

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Photographie du Space Launch System (SLS), du Starship / Vue d’artiste de la capsule Orion (avec et sans son module de service), des différents modules de la station lunaire Gateway / Logo du programme Artemis.


Une panoplie de modules pour envisager un retour sur la Lune durable

Même si la structure du programme Artemis risque encore de fluctuer à mesure que son développement avance, des financements, des avancées techniques ou encore des politiques, les bases sont posées.

SLS est le lanceur principal de la mission. Les Falcon 9, Falcon Heavy et Starship de SpaceX ainsi que le lanceur Vulcan contribueront au programme. Ces lanceurs annexes permettront de déposer sur la surface lunaire le matériel nécessaire à la vie sur le satellite naturel.

Un astromobile pourrait aussi être envoyé à des fins scientifiques (pour étudier la glace d’eau présente à la surface de la Lune). Enfin, ces lanceurs permettront de mettre en orbite lunaire les modules de la future station.

Le vaisseau Orion développé et construit par l’entreprise américaine Lockheed Martin sera la capsule des astronautes pour leur voyage entre la Terre et la Lune. Elle décollera depuis le SLS.

Contrairement aux capsules qui relient l’ISS, celle-ci est adaptée aux missions plus lointaines.

Sa masse est bien moins importante que celle de la capsule Apollo, tout en ayant une autonomie de 21 jours de mission. Elle est capable de produire son énergie électrique via ses panneaux solaires et d’embarquer au maximum quatre personnes.

La NASA envisage que ce vaisseau puisse s’amarrer à la future station lunaire Gateway. Cette station serait un point de ravitaillement et un espace plus approprié à la vie de l’équipage.

Elle serait comme un « hub » sur lequel viendrait s’amarrer les lanceurs Starship.
Quant à Starship, il pourrait héberger à son bord l’équipage et le faire atterrir sur la Lune.

Il se pourrait que cette station ne soit pas encore établie lors des premières missions sur la Lune et notamment pour Artemis III. La NASA envisagerait alors de directement connecter la capsule Orion au lanceur Starship pour le transfert des équipages, et sûrement d’une partie du matériel. Les astronautes rejoindraient donc directement le véhicule qui les ferait atterrir et décoller de la Lune.

Les astronautes pourraient rester à la surface de la Lune durant six jours, du moins c’est l’objectif pour Artemis III. À terme le programme envisagerait plutôt la construction d’une base lunaire, plus durable pour héberger des astronautes.

À la fin du séjour lunaire, Starship redécollerait avec l’équipage pour s’amarrer de nouveau à la station lunaire.
Enfin l’équipage emprunterait une seconde fois le module Orion pour le trajet retour et l’amerrissage sur Terre.

C’est à partir de la mission Artemis III que le programme atteindrait l’objectif de ramener des hommes sur la surface de la Lune. La mission est prévue pour 2025 (ce qui semble particulièrement ambitieux).

Les astronautes se poseraient sur des régions du pôle Sud de la Lune. Ils exploreraient notamment des zones majoritairement plongées dans l’obscurité encore inconnues.

Quant à la station lunaire, elle utiliserait des orbites lui permettant d’évoluer sur la face toujours visible de la Lune depuis la Terre. Ce choix permet d’assurer une communication directe avec la Terre (quasi) en permanence.


Quelques aspects scientifiques mais un objectif fondamental : concrétiser des technologies astronautiques et spatiales pour les missions habitées

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Illustration des trajectoires et étapes des missions Artemis I et Artemis III / Tableaux décomposant les dates clés et coûts du programme Artemis.

L’ensemble du programme vise entre autres des objectifs scientifiques. Les astronautes prélèveront des échantillons qui reviendront par la suite sur Terre pour être analysés.

Les zones d’atterrissage sélectionnées le sont certes car elles répondent à certaines exigences de sécurité et faisabilité, mais aussi pour les roches présentes. Certains matériaux n’ont jamais été étudiés. Il est notamment question d’en savoir davantage sur la glace d’eau présente sur ce pôle. Enfin ces localisations présentent « certaines des parties les plus anciennes de la Lune ».

Mais au-delà des aspects scientifiques, cette mission vise avant tout à développer et utiliser en conditions réelles du matériel astronautique et spatial pouvant assurer le voyage habité dans l’espace, au-delà des orbites terrestres.

Une chaîne logistique inédite devra être maintenue avec la Lune pour envoyer les équipements technologiques et la nourriture à l’équipage. La NASA compte notamment sur le cargo Crew Dragon XL de SpaceX pour cela. Il s’agirait d’une évolution de l’actuel Crew Dragon qui véhicule aujourd’hui des frets à l’ISS. Il serait plus grand, embarquerait plus d’ergols pour assurer ses voyages et il serait plus adapté aux spécificités des voyages plus lointains. L’intérieur de la capsule pourrait être maintenu sous pression ou sous vide, en fonction du type de matériel envoyé. La NASA réfléchie également à l’utilisation de ce module une fois amarré à la station lunaire comme un espace de vie supplémentaire pour l’équipage.

Au-delà de la logistique, l’organisation à bord des modules et la gestion de l’ensemble des appareils constitue un grand défi. Comme avec l’ISS, beaucoup de maintenance et d’entretien des équipements seront nécessaires.

Concernant les missions sur la Lune, la NASA souhaite que les astronautes puissent utiliser les ressources « in-situ », à la fois pour générer de l’énergie grâce au soleil et via l’exploitation des matériaux sur place pour la construction d’objets technologiques (par opposition à la définition d’objet naturel).

In fine, ces missions lunaires visent à acquérir de l’expérience, de la connaissance et à développer, perfectionner les équipements technologiques, la préparation des astronautes et des missions pour envisager à terme une présence humaine sur Mars.

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