|Écrit de Louis Viratelle.
Publié le 6 juillet 2021.
|Écrit de Louis Viratelle.
Publié le 6 juillet 2021.
Les avancées de l’entreprise française devraient entre autres servir à l’industrie de l’armée et notamment aux avions de chasse. En collaboration avec Dassault qui construit le Rafale, Thales développe un nouveau type d’antennes actives en arséniure de gallium pour les radars des avions.
L’arséniure de gallium, qui se situe dans la colonne III du tableau périodique de Mendeleïev est un élément chimique qui pourrait être de plus en plus utilisé en électronique. Ses propriétés se rapprochent à la fois du silicium, largement utilisé aujourd’hui dans tous les processeurs que nous connaissons, mais permettrait d’utiliser certaines caractéristiques qui lui sont propres, notamment pour le quantique.
Parmi ces caractéristiques, on peut citer une mobilité des électrons beaucoup plus forte qui permettrait aux transistors d’atteindre des fréquences de fonctionnement beaucoup plus hautes. Également l’arséniure de gallium possède des propriétés d’émission et de réception de la lumière. Ces dernières permettraient d’utiliser le matériau pour des émissions lasers, ce qui est impossible avec le silicium.
Pour la comparaison, le nitrure de gallium se rapproche chimiquement de l’arséniure de gallium (tout deux sont des composés binaires du groupe III / groupe V possédant du gallium), utilisé dans la production de certains panneaux photovoltaïques, dans les ampoules LED ou encore dans l’électronique de puissance (comme dans les chargeurs).
Globalement et comparé au silicium, c’est un composé chimique qui permet une densité de puissance beaucoup plus importante. Comprenez que l’arséniure de gallium permet d’accroitre de l’ordre de mille fois la puissance contenue sur une certaine surface, ce qui est particulièrement prometteur pour la miniaturisation électronique.
Pour revenir au cas de développement concret, les antennes actives en arséniure de gallium permettront pour les Rafales de suivre avec de meilleures capacités l’évolution de dizaines d’aéronefs à la fois.
Globalement dans le secteur des antennes, l’usage de ces nouveaux composés associées aux technologies quantiques permettrait de diminuer drastiquement la grandeur des antennes. Aujourd’hui encore, la capacité de réception ou d’émission d’une antenne sur une fréquence dépend de sa taille. Plus l’antenne est grande, plus elle est en mesure de capter de basses fréquences.
L’usage de nouveaux supraconducteurs refroidis à moins 200°C permettrait la fabrication d’antennes capables de capter un très large champ de fréquences en même temps, des plus hautes au plus basses.
Bien que l’application soit avant tout pour les usages militaires, on peut imaginer à terme de belles avancées pour le grand public.
Prenons par exemple le cas de Starlink que nous avons traité, et qui repose sur des antennes paraboliques de tailles conséquentes. La miniaturisation de ces antennes grâce aux propriétés quantiques permettrait d’imaginer de nouveaux usages.
Également, dans le domaine de l’astronomie, l’usage d’immenses antennes est courant pour « l’écoute » du ciel afin de rechercher d’infimes variations. Là aussi on pourrait voir nos aptitudes d’analyse du ciel décuplées, bien que ces anticipations restent pour le moment très théoriques.
Radiotélescope utilisé pour étudier les corps célestes.
Le médical pourrait bénéficier des innovations de Thales. Les capteurs quantiques à l’état solide, comme ceux constitués de la matière des centres colorés NV à l’intérieur du diamant ont des capacités de mesure des champs magnétiques de très faible intensité.
Ces centres NV ont des propriétés de luminescence parfaitement stables à température ambiante. Cette propriété est exploitée par la cryptographie quantique, les interférences à un photon, mais également à l’avenir, pour l’imagerie médicale par IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique).
Pour être concret, la détection magnétique à très faible intensité repose sur le principe de la détection optique de la résonnance de spin (propriété de certains électrons à absorber puis réémettre l’énergie d’un rayonnement électromagnétique lorsqu’ils sont placés dans un champ magnétique) provoquée par un centre NV.
Cela permettrait la mesure d’ondes électromagnétiques de 10 à 100Hz émises par le cerveau, pour obtenir des images de l’activité de celui-ci plus précises.
Mais la grande avancée concernerait l’encombrement du matériel pour faire des IRM qui serait largement réduit. Il serait possible de rendre le matériel mobile, et par exemple d’en équiper des camions pour accessibiliser davantage cette technologie d’imagerie largement utilisée en médecine.
Thales planche également sur des capteurs quantiques qui amélioreraient la précision des centrales inertielles embarquées dans les avions. Ces centrales permettent de guider les pilotes si les systèmes de géolocalisation par GPS ne fonctionnent plus.
Concrètement, les centrales à inertie sont capables d’intégrer les mouvements d’un mobile pour estimer son orientation, sa vitesse linéaire et sa position.
Ils reposent entre autres sur la propriété des gyroscopes à avoir une rotation parfaitement verticale par rapport au centre terrestre peu importe l’orientation du mobile.
Ici, les lasers des gyrolasers (gyroscope utilisant les propriétés du delta de la vitesse des photons constituants les lasers pour faire le tour d’un cercle en fonction du déplacement du système) des centrales inertielles sont remplacés par des atomes refroidis quasiment au zéro absolu. Ces derniers émettent des ondes beaucoup plus précisément qu’avec les dispositifs actuels.
Cela aurait une incidence sur la précision des vols avec ces instruments. Actuellement il est difficile d’avoir une échelle plus précise qu’au kilomètre, alors que l’utilisation des émissions de ces atomes permettrait d’avoir une précision de l’ordre du mètre.
Enfin, Thales travaille sur des systèmes de chiffrement des données qui seraient inviolables par les ordinateurs quantiques. En effet, la révolution de l’informatique quantique pourrait mettre à mal tous nos protocoles actuels de chiffrement des données.
Le chiffrement est une pratique très commune : c’est elle qui empêche de révéler les numéros de votre carte bancaire lorsqu’ils transitent de votre smartphone au serveur des sites sur lesquels vous commandez.
C’est aussi elle qui permet à de grandes entreprises comme Google ou Apple de revendiquer un certain niveau de sécurité et de confidentialité de vos données synchronisées localement comme dans le cloud.
Concrètement, les données chiffrées sont illisibles sans clé de déchiffrement. Leur accessibilité devient alors moins facile pour ne pas dire impossible sous certaines conditions (notamment avec le chiffrement E2E contrôlé par l’utilisateur).
Sauf… dans le cas d’un ordinateur quantique ! En effet les « problèmes » mathématiques quasi impossibles à résoudre pour un ordinateur classique le sont instantanément avec une logique quantique.
Si l’ordinateur numérique devra casser un chiffrement par force brute en essayent une par une toutes les combinaisons des clés possibles (ce qui peut prendre des décennies voir des siècle), l’ordinateur quantique qui ne raisonne pas selon une logique binaire peut d’une seule pulsation déterminer la combinaison exacte de la clé de déchiffrement, sans les tester successivement.
De ce fait, le chiffrement quantique nécessite de créer de nouveaux problèmes mathématiques, qu’un ordinateur quantique ne sait pas ou très difficilement résoudre.
C’est là l’objet des travaux de Thalès, en compétition avec des équipes américaines de chez IBM pour élire le meilleur chiffrement quantique en 2022, décision remise au National Institute of Standards and Technology.
Actuellement, le système de clé de chiffrement quantique retenu correspondrait à l’état quantique d’un photon.
Si la technique est maitrisée avec une communication par fibre optique d’un point à un autre, le défi actuel est de rendre fonctionnel le chiffrement quantique pour les réseaux terrestres mais aussi satellitaires en place.
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