|Écrit de Louis Viratelle.
Publié le 7 décembre 2020.
|Écrit de Louis Viratelle.
Publié le 7 décembre 2020.
Plus de 70 PDG d’entreprises plus ou moins grandes se sont engagés à agir sur 8 axes directement en lien avec le développement de leur secteur d’activité, à savoir le numérique et les hautes technologies.
« Tech for good » a permis des sommets réunissant ces acteurs, dont le troisième devrait se dérouler en juin 2021. Depuis plusieurs années déjà, le projet rassemble mais surtout se développe en comptant toujours plus d’objectifs qui concernent les entreprises de ce domaine.
Lundi 30 novembre 2020 dernier les différentes entreprises participant à « Tech for Good » ont officiellement signé le manifeste. Les plus grands patrons américains de la tech qui ne sont autres que Google, Facebook ou encore Twitter y sont représentés. A leur côté, d’autres entreprises plus jeunes mais pas moins influentes y contribuent telles que Booking, Snapchat ou encore Uber. Localisation du rendez-vous l’oblige, les grands entrepreneurs français qui représentaient Orange, Free, Iliad, l’Oréal ou encore TF1 font partis des signataires.
Cet évènement précède le grand sommet de 2021 qui devrait réunir les acteurs autour d’un rassemblement dédié. Aux cotés de cette majorité influente américaine, deux grands acteurs asiatiques ont répondu présent à « Tech for Good », Huawei malgré sa position difficile sur le marché international ces derniers mois et Bharti, qui possède par exemple Bharti Airtel, un opérateur d’ampleur international. Bien que l’évènement se soit déroulé dans une discrétion étonnante, le mouvement « Tech for Good » semble grandir, d’autant plus avec la crise actuelle qui prouve une fois supplémentaire l’ampleur du numérique et sa nécessité certaines, surtout durant la période actuelle.
C’est en 2018 que le rassemblement est créé. Depuis deux années et deux sommets, plusieurs sujets ont été abordés. Le premier rassemblement avait axé les objectifs de la cohésion sur l’éducation, le travail et son futur et les questions de parité / diversité. L’année précédente a permis d’inclure les notions économiques et sociales qu’engendrent les nouvelles technologies, ainsi que celles environnementales.
Cette dernière notion est probablement l’une des plus délicates à aborder. Les grands acteurs de la « tech » sont parmi les plus polluants au monde du fait de la complexité et de la technicité de leurs activités, mais les solutions qu’ils apportent, grandement grâce au numérique permettent également de mieux comprendre les problématiques de protection de notre environnement, donc de mieux connaître via la science, notre planète et notre impact sur l’environnement. Difficile de départager la bataille et de déterminer si nos ordinateurs dépendants du silicium, de terres rares et d’énergies fossiles pour être concrétisés aident réellement à répondre aux urgences environnementales grâce à leur puissance de calcul, rendue finalement possible en dénaturant les écosystèmes terrestres.
Cette année, l’accent est porté sur le terrorisme. Les différentes entreprises reconnaissent la plus-value immense et positive de leurs services, mais aussi la puissance qu’ils apportent pour aider les différentes actions terroristes à agir, et à être plus efficace. Le web risquerait de contribuer à « affaiblir les démocraties » en étant exploité par les terroristes. C’est alors que la lutte contre les contenus haineux sur internet est l’un des axes prioritaires, d’autant plus après les différentes vagues d’attentat que connait la France et certains pays d’Europe ces derniers mois.
Autant dire que les plus gros acteurs du numérique que sont Facebook (qui possède Instagram), Twitter ou encore Google sont directement impliqués avec leurs plateformes sociales où les propos de quiconque n’ont jamais eu autant de portée qu’aujourd’hui, portée autrefois réservée aux médias et à certaines personnes influentes ou politiques.
Le sujet du terrorisme est une stratégie à la fois délicate et particulièrement importante pour les Etats. Les enquêtes qu’elles réalisent après des drames sont de plus en plus sujette à collaborer avec des entreprises privées comme Google pour accéder à des données sensibles mais très importantes pour obtenir des informations sur les différents sujets. L’historique d’une conversation, la bibliothèque photo ou encore les notes d’un smartphone sont des données en or pour les enquêtes que seules les entreprises privées détiennent.
L’arrivée du cloud, de la synchronisation à distance de nos appareils et de leur verrouillage robuste systématique rendent l’accès aux données impossible sans demande aux entreprises qui sont à l’origine de ces différents services, et qui se réservent le droit de refuser les requêtes des Etats sans conséquence directe. La sécurité de nos appareils numériques est telle que même les plus grands spécialistes de l’informatique ne peuvent trouver des failles simplement pour mettre la main sur de telles informations numériques.
Photographie des participants au sommet « Tech for Good » en 2018.
Outre le terrorisme, la vie privée est l’une des huit thématiques de « Tech for Good ». Les signataires s’engagent à concevoir des produits et des services avec pour critères piliers, « la sécurité par design » et « la vie privée par design ». Le manifeste précise que l’utilisateur doit pouvoir être libre de gérer ses données. Des notions relativement floues pour l’un des plus gros sujets sociétaux de ces dernières décennies, mais qui là encore pourrait aussi avoir des limites une fois confrontée avec la thématique du terrorisme. Si les Etats veulent pouvoir continuer à collaborer avec les entreprises du numérique pour récupérer les données personnelles de certains utilisateurs, ces entreprises sont donc confrontées à une réalité, celle de ne pas certifier à leurs clients qu’elles n’ont pas accès à leurs données.
Autrement dit et plus concrètement, les notions de chiffrement qui sont les piliers de la sécurité ont de grandes limites : le chiffrement de bout en bout avec des protocoles « open source » ne peuvent être mis en place. Ils sont pour autant l’une des certifications les plus légitimes pour garantir la confidentialité absolue des données. Le fonctionnement des ces chiffrements peut être étudié et critiqué ouvertement et par n’importe quelle personne indépendante, prouvant ainsi sa robustesse.
Or certains d’entre eux sont des chiffrements de bout en bout, qui de part leur conception assure que les données stockées sur un serveur sont illisibles pour personne, ni par aucune machine sans une clé de déchiffrement que seul l’utilisateur ou son ordinateur connait. Une technique qui empêcherait les entreprises de partager des données utilisateurs aux Etats.
Dernier axe plutôt important pour les Etats eux même, celui des impôts. Les grandes entreprises du numérique ne se contentent pas d’être de plus en plus indispensables pour l’humanité. Elles sont aussi des puissances économiques extrêmes. Les fortunes de ces entreprises sont les plus grandes au monde ou parmi les plus grandes. Mais l’argent qu’elles doivent aux Etats est loin d’être systématiquement respecté.
Beaucoup de ces grandes entreprises réalisent des optimisations fiscales en choisissant les pays dans lesquels elles payent leurs impôts, pour éviter au maximum les pertes financières. Une pratique évidemment décriée par les Etats et que la France essaye de combattre via une taxe « GAFA », mais qui provoque des tensions diplomatiques délicates. Ainsi, « Tech for Good » inclut la notion de participation équitable « aux impôts des pays ».
Bien que le manifeste semble convaincre multiples grandes entreprises même celles qui pratiquent encore aujourd’hui des optimisations fiscales et qui sont confrontées à la taxe GAFA, certains grands groupes ne réponde pour le moment pas présent à l’appel. C’est le cas d’Amazon mais aussi d’Apple, bien que cette dernière entreprise se vente comme étant très impliquée dans les questions environnementales et de protection de la vie privée.
Difficile de savoir la raison exacte de ce comportement, bien que nous pouvons émettre l’hypothèse de leur non satisfaction du gouvernement français. Cela pourrait concerner notamment les taxes, les impôts et les notions d’indépendance des entreprises sur les questions du numérique et de leur schéma commercial (par exemple ne pas faire appel spécialement à la plateforme Amazon pour vendre) que souhaite défendre l’hexagone.
Outre passé ce point, le manifeste signé n’engage concrètement personne en rien. Le manifeste ne fixe aucune obligation pour les entreprises partenaires, ni aucune date limite contrairement par exemple aux valeurs de l’ONU. Difficile alors d’estimer à son juste titre la valeur réelle de ce rassemblement d’entreprises, et de savoir les réels bénéfices que veulent en tirer les signataires. Reste l’image positive qu’ils renvoient en étant aux cotés du président de la sixième puissance mondiale, image qui contraste fortement avec les multiples oppositions que la France tout particulièrement contribue à provoquer avec ces grands groupes du numérique.
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