Meta a transmis à la police américaine les messages Facebook d’une mineure accusée d’avortement illégal

Le rôle des outils et entreprises du numérique dans les affaires en justice liées aux avortements se confirme. Facebook a collaboré avec la justice américaine dans une affaire d’avortement illégal.

|Écrit de Louis Viratelle
Remerciements à Mathis Archambaud pour sa contribution. 
Publié le 12 août 2022. 

|Écrit de Louis Viratelle. 
Remerciements à Mathis Archambaud pour sa contribution. 
Publié le 12 août 2022. 

Suite à l’abrogation de l’arrêt Roe v. Wade, l’avortement est devenu illégal dans plusieurs États fédérés des États-Unis. La situation a provoqué des manifestations de masse dans le pays, et de nombreuses conséquences, y compris auprès d’acteurs qui pourraient sembler éloignés de la situation. Parmi les conséquences, l’utilisation des données numériques pour des procédures judiciaires était crainte.

Plusieurs mouvements, notamment sur Twitter ont incité les américains à cesser d’utiliser des applications de suivi menstruel. Ils craignaient que les données sur le suivi des règles puissent être utilisées par la justice pour enquêter sur les avortements illégaux. D’autres acteurs du numérique ont pris des décisions, à l’image de Google qui a indiqué qu’il supprimerait automatiquement et systématiquement les déplacements des personnes qui se sont rendus dans un lieu médical pouvant pratiquer l’avortement.

Meta a adopté une stratégie moins axée face à la situation.
Mais le 9 août dernier, une fille de 17 ans est arrêtée aux Etats-Unis dans l’État du Nebraska pour avoir avorté illégalement. La justice a demandé au groupe Meta de fournir des informations précieuses sur la fille. Malgré les conditions d’utilisation que l’entreprise affiche et qui stipulent qu’elle pourrait contester ou parfois s’opposer à une décision de justice visant à sa coopération, elle a transmis les textes des conversations tenues entre la fille et sa mère. Ces échanges se sont faits via la messagerie Messenger. 

Après que cette coopération soit divulguée, le groupe a déclaré que les mandats reçus ne mentionnaient pas un avortement.
Il n’en reste que la même entreprise précise toujours dans les mêmes conditions d’utilisation qu’elle pourrait s’opposer à la coopération dans le cas de requêtes « trop larges, ou juridiquement incomplètes ».

Les messages échangés ont permis à la justice d’affiner les accusations prononcées à l’encontre de la fille et de sa mère, cette dernière ayant acheté des pilules abortives, conseillée et aidée sa fille dans son acte. Les messages révèlent aussi les dates de l’avortement, et bien que ce dernier ait eu lieu avant le changement de jurisprudence au niveau national, les deux personnes impliquées seront poursuivies.


Des choix techniques qui rendent les données des utilisateurs Meta facilement accessibles pour le groupe

Au-delà de la collaboration de Meta, ce sont les choix techniques des services de l’entreprise qui peuvent poser question. En effet, il n’est pas commun à toutes les données numériques de pouvoir être lisibles et exploitables par l’hébergeur et l’éditeur de service. La messagerie Signal s’est fait une renommée en la matière.
Meta peut fournir ces informations car elle n’a pas recours à l’utilisation du chiffrement de bout en bout dans Messenger par défaut, alors que le service est massivement utilisé dans le monde entier.

C’est d’autant plus regrettable qu’elle maîtrise et propose ce chiffrement dans WhatsApp, l’autre messagerie à sa propriété qui est la plus utilisée à travers le monde. Il ne serait pas étonnant que ce choix soit avant tout lié au profilage publicitaire qu’elle peut particulièrement affiner en ayant recours au traitement des conversations privées de ses utilisateurs.

Hormis donc l’aspect technique et les enjeux de coopération avec les États, c’est bien des profits financiers de l’entreprise dont il est question. Pour autant elle devrait remédier à cette situation en 2023 en activant nativement sa technologie de chiffrement de bout en bout sur Messenger à tous les utilisateurs.

La situation quant à elle ne manque pas de ternir un peu plus le tableau de Meta qui était déjà loin d’être mirobolant en enchaînant les scandales. La coopération du groupe ne fera qu’attiser un peu plus une situation politique qui catastrophe et afflige des millions d’américains et maint pays du monde entier.

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